Le dernier message du fondateur du Scoutisme
Robert Baden-Powell of Gilwell (BP)
Si par hasard vous avez assisté à la représentation de Peter Pan, vous vous souviendrez que le chef des pirates était toujours en train de préparer son dernier discours, car il craignait fort que l'heure de sa mort venue, il n'eût plus le temps de le prononcer. C'est à peu près la situation dans laquelle je me trouve, et bien que je ne sois pas sur le point de mourir, je sais que cela m'arrivera un de ces prochains jours et je désire vous envoyer un mot d'adieu.
Rappelez-vous que c'est le dernier message que vous recevrez de moi; aussi méditez-le. J'ai eu une vie très heureuse et je voudrais qu'on puisse en dire autant de chacun de vous. Je crois que Dieu nous a placés dans ce monde pour y être heureux et pour y jouir de la vie. Ce n'est ni la richesse, ni le succès, ni la satisfaction égoïste de nos appétits qui créent le bonheur. Vous y arriverez tout d'abord en faisant de vous, dès l'enfance, des êtres sains et forts qui pourront plus tard se rendre utiles et jouir ainsi de la vie lorsqu'ils seront des hommes.
L'étude de la nature vous apprendra que Dieu a créé des choses belles et merveilleuses afin que vous en jouissiez. Contentez vous de de que vous avez et faites-en le meilleur usage possible. Regardez le beau côté des choses plutôt que le côté sombre.
Mais le véritable chemin du bonheur est de donner celui-ci aux autres. Essayez de quitter la terre en la laissant un peu meilleure que vous ne l'avez trouvée et quand l'heure de la mort approchera, vous pourrez mourir heureux en pensant que vous n'avez pas perdu votre temps et que vous avez fait "de votre mieux". Soyez toujours prêts à vivre heureux et à mourir heureux.
Soyez toujours fidèles à votre promesse d'éclaireur même quand vous aurez cessé d'être un enfant - et que Dieu vous aide à y parvenir!
Votre ami,
Sa vie
Robert Stephenson Smith Baden-Powell est né à Londres le 22 février 1857 d'une famille nombreuse. Il perd son père, le révérend H.G Baden-Powell, professeur à l'Université d'Oxford. Baden-Powell a trois ans à cette époque. Leur mère, très dévouée, remarquable, pleine de talents et généreuse, réorganise sa famille du mieux qu'elle peut. Ses enfants comprirent. Aussi furent-ils obligés par les circonstances de tirer des plans hors de la maison.
À l'école, Robert Baden-Powell dessine admirablement bien des deux mains : il est même capable d'écrire de cette façon. Il fit ses études au collège de Charterhouse. Il était attiré par tout ce que la nature pouvait lui présenter. C'est ainsi que Baden-Powell a été formé par l'amour de la nature. La moindre chose l'intéressait. En 1870, il entre à l'école. Il avait obtenu une bourse. A cette école, il eut la chance d'avoir des supérieurs plus humains que militaires. En 1876, il a 19 ans. Il entre à l'école militaire et passa son examen avec un succès remarquable.
Nommé au 13e Hussards, il eu encore la chance d'avoir un colonel donnant plus d'initiatives. C'est alors qu'il prendra la décision pour que ses hommes se servent de leur cervelle (qu'ils n'attendent pas toujours ce qu'ils ont à faire). Il se réjouit davantage du fait qu'ils développent leur propre sens des responsabilités. Aveux eux, il s'adonne donc aux joies de l'exploration et de la reconnaissance.
Soldat de valeur, excellent éducateur, Baden-Powell possédait de nombreux talents entre autres journaliste, artiste, sportif, pour n'en nommer que quelques-uns !
Au cours de plusieurs campagnes militaires en Afrique du Sud, il donna libre cours à ses talents, ce qui lui permit d'enregistrer un nombre incalculable de notes.
En Inde, en 1895, il fit construire une route à travers la jungle : c'est ainsi qu'il a constaté que les difficultés font ressortir ce qu'il y a de meilleur en soi.
Toujours en Afrique du sud, en 1896, il a connu la meilleure aventure de sa vie dans l'expédition Matabelée. Son discernement et son induction firent de lui le plus scout de l'armée britannique. C'est à ce moment qu'il expérimenta l'uniforme des scouts.
Au cours de sa vie, nous retrouverons Baden-Powell sur bien des frontières de l'empire britannique : aux Indes, en Afghanistan et surtout en AFrique du sud.
À titre d'officier, il est un entraîneur d'homme, c'est un chef à qui l'on obéit parce qu'il donne l'exemple.
En 1897, Baden-Powell est colonel du 5e Dragon de la garde en Inde. Deux ans plus tard, en 1899, il se trouve avec une partie de ses forces à Mafeking, en Afrique du sud. Mais la guerre des Boers éclate en Afrique. Le siège de Mafeking fut au début, et au dire de Baden-Powell "une grande partie de bluff". Il devait soutenir le moral des Anglais, et les sauver du ridicule à leurs propres yeux et à ceux du monde entier. Dans cette sinistre guerre, Baden-Powell eu un beau rôle : il tenait une place assiégée en territoire britannique. Il devint un héros authentique par son énergie, son ingéniosité, son audace et son intarissable bonne humeur. La délivrance de la ville eut lieu en 1900.
Son succès ne devait cependant pas s'arrêter là. Il fut chargé d'instruire et d'entraîner le corps de police d'Afrique du Sud. Il préférait de jeunes coloniaux et des hommes ayant de la confiance en eux et dont on pouvait attendre qu'ils se servent de leur propre tête en cas d'accident, d'urgence, etc.
Revenu en Angleterre, il reçut le titre d'inspecteur général de la cavalerie. Cette mission spéciale devait être une reconnaissance, puisqu'après 5 ans, il fut nommé lieutenant-général. Sa carrière active ne s'arrêta pas là. Il accepta encore le commandement d'une division territorial, pour laquelle il établit les règles qui, trente ans plus tard, devinrent celles de la Home Guard.
Il avait découvert que sa propre vie de scout de guerre l'avait muni d'une méthode sans rivale pour extraire de chaque individu ce qu'il a de meilleur en lui.
Les garçons du siège de Mafeking ne pourront oublier ainsi leur chef. Beaucoup de correspondances s'échangeaient entre lui et eux. D'autre part, son manuel "Aids to scouting" écrit en 1899 était utilisé par plusieurs éducateurs comme méthode d'entraînement pour l'observation et l'instruction des garçons. A la demande de Sir William Smith, fondateur des "Boy's brigade", il écrivit ses idées sur la manière dont le "Scouting" pouvait être adapté à la jeunesse. L'intention de Baden-Powell n'était pas d'écrire une méthode facultative pour les organisations de garçons déjà existante, mais de lancer un mouvement autonome.
À la suite de cette demande, il publie "Scouting for Boys" au prix de quatre sous. Sir Arthur Pearson s'y intéresse et soutint cette publication dont on vendit plus d'un million d'exemplaires du vivant même de Baden-Powell. Ajoutons cependant qu'avant décrire ce livre, Baden-Powell voulut en faire l'Expérience, ce qui s'est réalisé en 1907.
En 1907, Baden-Powell choisit une vingtaine de garçons dans différentes classes de la société. Ils les amena dans l'île de Brownsea sur la côte anglaise. Il leur donna ses plans d'ordre pratique et un haut idéal de vie, leur suggérant l'accomplissement d'une bonne action journalière comme moyen d'acquérir l'habitude de penser aux autres. Durant les deux semaines qu'il a vécues avec ces garçons, il les instruisit au moyen de jeux et d'exercices, il leu révéla l'art de comprendre la nature et de s'en servir, comment tracer des signes de pistes et se tenir à l'affût. Il leur apprit aussi à se diriger d'après les étoiles, à se suffire à eux-mêmes, à cuisiner et à se débrouiller sans se faire servir. Il y ajouta une règle de conduite, et après avoir consulté plusieurs codes, tel celui de la chevalerie, il composa la loi scoute en 10 articles. Ainsi, il liait les activités stimulantes aux résolutions morales.
Il abandonna l'idée de ne proposer qu'une activité additionnelle aux organisations déjà existantes, pour instituer une organisation autonome. En effet, les quinze fascicules de "Scouting for Boys" n'étaient pas encore sortis de presse que déjà des garçons eux-mêmes commençaient à former des patrouilles avec ou sans l'aide d'adultes. Il devenait évident que si on voulait éviter les erreurs, il fallait former une sorte d'organisation.
Baden-Powell eut à choisir : soit continuer sa carrière militaire, soit prendre la direction des Boys Scouts. Ayant fait son choix, il démissionna de l'armée. Il fut ridiculisé par les uns, critiqué par les autres, mais fort encouragé par le roi Édouard VII. Choisir les scouts fur un risque et un sacrifice, car il était fier de sa profession de militaire.
Baden-Powell était très sociable : il détestait l'hypocrisie mais n'offensait personne tant il était sincère. Sa foi profonde trouvait son fondement dans le contact avec la nature. Il ne formula jamais ses opinions religieuses, mais il a fondé la loi scoute sur des principes que nous apprenons par la pratique plutôt que par la théorie : les dix articles sont positifs et vont de pair avec la promesse.
Toujours actif, il n'avait d'autre détente que le changement d'activité. Il préférait comme sport le camping, l'exploration, l'alpinisme et d'autres activités de plein-air. Quant à la gymnastique, il se contente de recommander l'entraînement, le camping et les jeux scouts. Il dormait dehors le plus souvent possible, faisait ses exercices et sortait avec son chien, souvent au "pas scout" appris chez les Zoulous.
Baden-Powell avait des habitudes simples. Il cessa de fumer dans les premières années de sa carrière d'éclaireur, quand il découvrit que cela émoussait le sens de l'odorat.
En 1920, il est nommé chef scout du monde. À l'occasion du 21e anniversaire du scoutisme, Baden-Powell est anobli par le roi Georges V. Il prend le nom de Lord Baden-Powell of Gilwell, du nom d'une propriété qu'il a reçue de la famille McLaren pour en faire un centre du scoutisme mondial et une grande école de formation des chefs. Il avait dépassé la cinquantaine quand le mouvement scout fut bien établi. Il se maria en 1912 avec Miss Olave St-Clair Soames.
Plus qu'octogénaire, il s'établit au Kenya dans l'Afrique de son cœur, où il mourut à Nyéri le 8 janvier 1941. Ses dernières paroles furent les suivantes : «Il est essentiel pour avoir une paix universelle et permanent qu'un changement total s'accomplisse dans l'esprit des gens. Il faut une compréhension mutuelle plus profonde, plus solide pour l'abolition des préjugés nationaux de façon à voir d'un oeil sympathique et amical tous ces nouveaux compagnons»